Le Pech de Bugarach (Aude) est un massif isolé dont la cime est le point le plus élevé des Corbières (1230 m). Autrefois, il s’appelait Pech de Tauzé, mais il a pris le nom du petit village logé à ses pieds. Le Bugarach est une montagne inversée : coincées entre la plaque ibérique et le socle européen, les roches sédimentaires se sont plissées et cassées, et une lame de calcaire jurassique (135 MA) est venue se poser sur les grès et les marnes du Crétacé (15 MA). L’ordre des strates géologiques s’est ainsi inversé. Le Pech est truffé de cavités souterraines et de grottes (5km de souterrains ont été recensés). La plus grande, surnommée la cathédrale, contient un lac souterrain.
Selon l’abbé Sabarthès, le nom de la commune aurait évolué au fil du temps : « Villa Burgaragio, 889. Bugaragium, 1231. Ecclesia de Burgairagio, 1259. Bugaragium, 1347. S. Marie de Bigarach, 1194–1500. Bigarach et Malet, 1298–1500. Locus de Brigaragio, 1377. Bugaraich, 1594. Beugarach, 1647. Bugarach, 1781″ (Dictionnaire topographique du Département de l’Aude 1916).
Mais c’est à l’occasion du 21 Décembre 2012 que Bugarach est devenu célèbre dans le monde entier. L’anomalie géologique du Pech de Bugarach aurait, selon les rumeurs, inversé les pôles magnétiques du site, ce qui en ferait un refuge sûr dans le cas d’une inversion cataclysmique des pôles magnétiques de la Terre. Mélangez ça et le calendrier Tzolk’in des Mayas (largement incompris et exagéré). Un torrent de gens a commencé à déferler sur le village, causant toute une série de problèmes : pollution, vandalisme, gens qui essayant de trouver des tunnels ou de construire des bunkers, vendeurs à la sauvette et rituels étranges.
Les médias en ont fait leurs choux gras et la Miviludes a tiré le signal d’alarme, craignant que des sectes ne cherchent à exploiter les crédules, voire à organiser des suicides en masse. Certaines parties du site ont été bouclées et il a même été question que le gouvernement envoie des troupes militaires, mais le 21 décembre est venu et reparti, et l’intérêt suscité par le Pech de Bugarach a diminué.
Tour d’horizon des légendes
Une légende locale raconte que l’Aude était autrefois une plaine où les colères de Cers, fils d’Eole, ravageaient les récoltes et les maisons. Un jour, la fée Nore, accompagnée des lutins Bug et Arach, décida d’escalader la montagne pour se rapprocher des cieux et supplier Jupiter d’intervenir. Touché par leur audace, le père des dieux créa alors un promontoire protecteur, qui prit le nom de Bugarach.
Les Wisigoths, les Cathares et les Templiers sont mêlés à l’histoire de Bugarach, et c’est dans le même secteur que le curé de Rennes-le-Château aurait découvert un trésor. D’après Pierre Sylvain, c’est dans une cavité du Pech que les Wisigoths auraient caché le trésor de Jérusalem, avec l’Arche de l’Alliance, ce qui expliquerait ces pièces d’or trouvées en 2011 par deux chanceux. Pour Louis Fédié, historien du Languedoc, il est probable qu’elle y soit, car le roi des Wisigoths, Alaric 1er, l’avait prise lors du pillage de Rome et déposée à Carcassonne. Puis, en 490 av.JC, devant la menace des Francs aux portes de la ville, Alaric II aurait caché le fabuleux trésor dans l’arrière-pays du Razès.
Une autre légende raconte que Jésus et/ou Marie Madeleine seraient enterrés dans le secteur, voire même sous le Pech de Bugarach. Cette croyance a été renforcée par le fait que Nostradamus (qui aurait séjourné à Alet entre 1521 et 1528) a annoncé qu’un jour…
VI.66 : Au fondement de la nouvelle secte,
Seront les os du grand Romain trouvez,
Sepulchre en marbre apparoistra couverte,
Terre trembler en Auril, mal enfoüez.
(Pour peu qu’on interprète « un tantinet » le quatrain de Nostradamus…)
Autre coïncidence, Jules Verne publie, en 1896 (période qui correspond aux rénovations de Saunière), Clovis Dardentor, dans lequel on trouve un capitaine Bugarach. Le critique Michel Lamy considère qu’il ne s’agit pas d’une coïncidence, que Clovis évoque la dynastie mérovingienne, et que le roman de Jules Verne pourrait avoir pour véritable sujet l’or des rejetons « ardents » des Mérovingiens (Dardentor – d’ardent or).
Dans les années 1980, une investigation du CNRS à Camp sur Agly sur un “Gisement du néolithique final dans le massif des Fenouillèdes” attise la curiosité. Certains évoquent la présence d’une quinzaine de chercheurs, français, israéliens et américains, qui y auraient creusé le sol jusqu’en 2002, sous la protection de l’armée. Un témoin relate avoir découvert, plus tard, une vingtaine de puits de 100 mètres de profondeur, et communiquant entre eux. Un autre aurait entendu un des chercheurs dire, au téléphone, « On a trouvé ».
Dans les années 1970/1980 (?) Daniel Bettex, un Suisse passionné par les Cathares, s’intéresse aux ressources minières et souterraines des environs. Après de multiples recherches dans d’anciens registres, il devient persuadé qu’il existe sous le Bugarach un accès au mythique monde souterrain. Sur des photos prises par Bettex, des tracés, découverts dans une cavité, montrent une sorte de ‘coffre’ sur un brancard. S’agirait-il de l’Arche d’Alliance ? Et si l’origine du mot Bu(r)garach était Bourg de l’Arche ? La fin de vie de Bettex est floue : pour certains, il retourne dans son pays natal et y décède ; d’autres rumeurs font état d’un décès foudroyant sur les lieux du site (écrasé par une masse de terre dans une galerie ou retrouvé inanimé et décédé d’une inexplicable déshydratation).
Dans les années 1990, Henri Buthion (celui qui a acheté le domaine de Saunière) aurait, en cherchant le trésor, vu des ovnis survoler le pic. Il en parle à Jean de Rignies, un médium qui, après avoir sondé les lieux avec son 6e sens, annonce que les ovnis entrent dans la montagne par une porte invisible. Il médiatise l’affaire et la présence régulière de militaires près du site fait grandir la rumeur. On parle aussi d’appareils électroniques qui se dérèglent,de l’absence de tout bruit sur le site (pas d’insectes, pas de chants d’oiseaux, un silence inexplicable).
Il existe encore des fours à verre du 17e/18e siècle, dans les environs de Bugarach (à l’ouest du lieu dit La Fontaine Salée et au nord du Pas Del Capelan), où était fabriqué du verre bleu. Un de ces fours à été mis à jour, dans les années 1980, par Jean de Rignies. On sait que Bugarach, vers 1700, comptait trois mines (de jais, de schiste et peut être d’or), et de là à penser que des filons d’or ont été exploités en même temps que le verre en fusion, il n’y a qu’un pas que certains se sont empressés de franchir.